Être cocher ou propriétaire de calèche à Marrakech, c’est un métier de père en fils.
C’est l’histoire que nous raconte Haj Mohamed qui a hérité sa calèche de son père, lui-même faisant partie des premiers cochers de la ville. Le père de Haj a partagé avec son fils ses souvenirs de l’époque à laquelle les calèches n’avaient pas de chevaux… elles étaient alors tirées par des hommes ! Des Marocains et des Espagnols étaient à la tête de ces carrosses, ce qui explique l’origine du nom qui les désignait en Arabe : «carrossa » (de l’Espagnol « el carro ») qui s’est transformé en « koutchi » (du Français « cocher »).
Par la suite, ils ont ajouté un cheval à chaque carrosse, et au fur et à mesure que la population augmentait et que la vie évoluait, ils sont passés à des calèches plus grandes, tirées par 2 chevaux. Puis les calèches se sont multipliées, pour faire face à la demande liée au développement du tourisme. Ce sont désormais deux cochers qui se relaient avec au moins 4 chevaux par calèche : une équipe le matin et une équipe l’après-midi.
Cela s’est tellement développé que dans les années 60, il y’avait beaucoup trop de calèches dans la ville (environ 270), la mairie a proposé aux cochers d’échanger deux calèches contre un taxi. La vie était plus moderne, les gens préféraient circuler en voiture… Alors celui qui disposait de deux calèches faisait l’échange contre un taxi. Et d’autres s’associaient pour échanger leurs deux calèches contre un taxi qu’ils se partageaient.
A partir des années 90, les cochers ont commencé à faire un gros travail de rénovation sur leurs calèches. Ils en ont eux même élaboré la décoration, y ont ajouté des motifs en métal, peint le bois en différentes couleurs, installé des assises plus confortables, ajouté des parasols… Leurs chevaux quant à eux, ont été équipés d’accessoires, un soin particulier a été apporté à leur esthétique, mais aussi à celle des cochers ! Car ils ont pris conscience de la dimension commerciale de leur métier : ils vendent leurs services aux touristes, ils font partie de l’image de la ville : leur calèche, leurs chevaux et eux même doivent être les plus beaux possible pour donner envie aux voyageurs de se promener dans la ville à bord de leur bel attelage.
Les touristes marocains et étrangers ont pris l’habitude de ce tour pittoresque dans la ville, devenu incontournable avec le temps.
Pour valoriser davantage les 148 calèches de Marrakech, et parce qu’elles font désormais partie du patrimoine du Royaume, la SPANA (Société Protectrice des Animaux et de la Nature) a organisé un Grand Prix annuel pour récompenser les 20 meilleures calèches de la ville : le meilleur ensemble ; le meilleur cheval ; la meilleure calèche ; le meilleur conducteur. Et pour tous les autres : le Prix du mérite.
Haj le confirme, ce métier est avant tout une histoire entre l’Homme et le cheval :
« Ma relation avec le cheval est très particulière et intense parce que je suis né parmi les chevaux. Il y’a toujours eu beaucoup de tendresse entre moi et mes chevaux, comme si c’étaient mes enfants. C’est grâce à eux que je gagne ma vie. De plus, le cheval est très respecté, car il est évoqué dans la religion musulmane, ce qui lui confère une grande importance pour nous depuis la nuit des temps… »